Devrions-nous accepter les voitures automatisées sur la route ?

Les voitures automatisées arrivent, c’est certain. Mais nous ne devrions pas les autoriser sur nos routes tant qu’elles ne sont pas sûres pour tous les usagers de la route, motocyclistes compris.

Dans cet article, Dolf Willigers secrétaire général de la Fema, explique l’impact des voitures automatisées sur la sécurité des motocyclistes et ce que fait la Fema dans ce domaine.

"Quel impact les voitures automatiques auront-elles sur la sécurité des motocyclistes ?"
Tel est le titre du dernier document de synthèse de l’Acem. L’Acem est l’association des constructeurs européens de motos. Et c’est une bonne question, une question que la Fema a également posée après un incident survenu en Norvège, impliquant une motocyclette, une Tesla et une Audi. C’était en 2016, et nous devons à nouveau poser la même question : les voitures automatisées (qui en réalité ne circulent pour le moment sur les routes publiques qu’à des fins de tests) et les voitures équipées de ce qu’on appelle ADAS (systèmes avancés d’assistance à la conduite) qui sont déjà assez répandues sur les routes publiques, peuvent-elles détecter les motos et réagir de façon adéquatement vis à vis des deux roues motorisés ?

En 2018, nous avons rendu compte des tests préliminaires effectués par l’autorité néerlandaise des véhicules (RDW) sur la manière dont les voitures équipées d’un système de régulateur de vitesse avancé (ACC) réagissaient aux motos. Ces tests ont été effectués après que nous ayons exprimé notre inquiétude au RDW au sujet des circonstances de l’accident en Norvège. Les résultats des tests ont été concluants : les voitures équipées d’un système d’accélération de la voiture ne se sont pas aperçues de la présence d’une motocyclette au bord de la voie. Ce test est également mentionné dans la prise de position de l’Acem.

D’autres tests, non mentionnés par l’ACEM, ont été réalisés aux États-Unis par l’AAA (American Automobile Association) en 2014. Ils ont montré une performance médiocre des systèmes d’assistance pour angle mort dans le traitement des motos. Toujours aux États-Unis, John Lenkeit a mené en 2016 des recherches sur la réaction des systèmes d’alerte de collision directe aux motos. Encore une fois, les résultats ont montré que ces systèmes ne réagissaient pas correctement aux motos. Pour mémoire, nous ne parlons pas de voitures automatisées (niveau SAE 4 ou 5), mais bien de voitures normales, équipées de systèmes d’aide à la conduite de niveau 2 SAE.

Les 5 niveaux d’automatisation des véhicules

Il est évident que nous ne pouvons même imaginer accepter la conduite autonome de voitures sur nos routes alors que leurs « fonctions de base » ne fonctionnent pas. Ces fonctions de base, ce sont les systèmes utilisés de nos jours dans les voitures : systèmes d’aide au maintien dans la voie, systèmes d’alerte de collision, systèmes de freinage d’urgence avancés, systèmes de détection d’angles-morts, etc. Ces systèmes ne sont pas suffisamment au point. Tant que c’est le cas, les voitures qui utilisent ces techniques, c’est-à-dire toute voiture censée être automatisée au-dessus du niveau SAE 2, ne devraient pas être autorisées sur nos routes.

Le document d’orientation de l’ACEM se termine par plusieurs conclusions. Je citerai ici une partie : « L’automatisation doit non seulement améliorer le confort des conducteurs, mais aussi la sécurité de tous les usagers de la route. Selon leur degré d’automatisation, les voitures particulières doivent être capables de reconnaître les motos et leurs manœuvres complexes inhérentes afin de pouvoir réagir en conséquence. Les véhicules automatisés doivent être en mesure de reconnaître les dangers potentiels et de les gérer de manière appropriée. Désormais, au lieu d’être conçus uniquement pour répondre aux besoins des voitures particulières et encore plus que par le passé, tous les capteurs utilisés devront être conçus et validés pour les motocycles… En plus d’améliorer la capacité de reconnaissance des systèmes de capteurs, le développement et la validation devront prendre en compte les différentes dynamiques de conduite des motocycles. Dans un environnement virtuel, il sera nécessaire de considérer les motos à l’aide d’un modèle de dynamique de conduite réaliste et validé ». Je n’ai rien à ajouter à cela.

La Fema soutient pleinement le document de synthèse de l’Acem et nous continuerons de coopérer avec toutes les parties concernées par la sécurité des motos, y compris l’Acem. La Fema est fait partie de la plate-forme pour les essais sur route et le déploiement préalable de la mobilité coopérative, connectée, automatisée et autonome (plate-forme CCAM) de la Commission européenne. Il s’agit d’un groupe informel d’experts dont le rôle est de fournir des conseils et un soutien à la Commission européenne dans le domaine des activités de test et de prédéploiement pour la mobilité coopérative, connectée, automatisée et autonome (CCAM).

Nous avons également fait partie du groupe de travail C-ITS, nous participerons à l’atelier ERTICO sur la connectivité des STI (Systèmes de Transport Intelligents) et nous contribuons à deux groupes de travail de la Commission européenne : le groupe de travail sur la moto (MCWG) et le groupe de travail sur les véhicules à moteur (MVWG). Nous avons déjà soulevé des questions sur l’homologation des systèmes d’aide à la conduite pour motocycles.
Les voitures automatisées arrivent, même si cela se fera plus lentement que certains veulent le croire. Alors OK pour cohabiter avec ces véhicules, mais seulement quand ils seront totalement sûrs pour tous les usagers de la route, y compris les motocyclistes."

Écrit par Dolf Willigers
Traduction Eric Thiollier

P.-S.

Publication originale (en anglais) :
http://www.fema-online.eu/website/index.php/2019/09/03/should-we-accept-automated-cars-on-the-road/