Sécurité routière : que penser des annonces du CISR ?

Les grands médias ont évoqué les décisions du CISR du 17 juillet dernier. Souvent en ne relayant que les annonces "sensationnelles" issues des derniers effets de manches de nos gouvernants comme G.Darmanin et les "petits" excès de vitesse ou E.Borne et le permis B à 17 ans. En exergue : les "grandes décisions" de sanctions aggravées, propres à satisfaire le grand public, tenu sous l’effet rhétorique des drames de la route et leurs victimes. Un résumé réducteur tant le travail de fond du CNSR a permis de produire des mesures au potentiel au moins aussi prometteur : explications.
Attention, article "lourd" !

Pour plus de clarté, commençons par deux définitions de ces acronymes souvent confondus :
- CISR = Comité Interministériel de Sécurité Routière : réuni sous l’autorité du (ou de la) Premier Ministre, il décide des mesures à prendre ou à modifier pour l’amélioration de la sécurité routière. Il peut, pour éclairer ses décisions, s’appuyer sur les travaux du CNSR, mais peut aussi s’en affranchir comme pour le 80 km/h, la suppression du retrait de points pour petits excès de vitesse, le permis B à 17 ans, etc
- CNSR = Conseil National de Sécurité Routière : constitué d’élus, d’experts, ou de représentants d’associations oeuvrant dans le domaine de la sécurité routière. Sont également représentées des entreprises et des institutions ayant un lien direct avec elle. Ces représentants et son président sont désignés par décret ministériel. Le CNSR est organisé en trois commissions qui se répartissent le travail sur les problématiques étudiées : éducation, infrastructures, technologies, santé... Chacune des commissions se réunit une fois par mois en séance et produit des recommandations liées à leur domaine de travail. La FFMC est au nombre des associations représentatives d’usagers qui y siègent.

Au total, ce sont 38 mesures qui ont été produites par ce CISR, réparties en 7 axes, que vous pouvez retrouver en détail dans le dossier de presse joint à cet article : éduquer, détecter les inaptitudes à la conduite, protéger les usagers vulnérables et accompagner les victimes d’accidents, s’engager pour la sécurité de toutes et tous (partage de la route), lutter contre les comportements les plus dangereux, simplifier la vie des usagers, et agir en outre-mer.

Amis lecteurs, à ce stade, il est utile de se munir du dossier de presse joint en parallèle à votre lecture !

L’axe 1, "Éduquer pour mieux partager la route", est majoritairement issu de travaux du CNSR et de sa commission "Partage de la Route pour une Mobilité Durable" (PRMD). Inclure un module vélo dans le continuum éducatif au collège est une excellente idée, d’autant que faute de moyens alloués à l’Éducation nationale, le cursus de base (pourtant bien au programme officiel) est déjà très diversement appliqué, et souvent pas du tout. D’où la création par la FFMC du programme Éducation Routière de la Jeunesse - ERJ - pour pallier, en partie, ce manque.
De même, créer un Précode de la route en renfort des ASSR 1 (en classe de cinquième) et ASSR 2 (en troisième, obligatoire pour passer un permis par la suite) n’est pertinent que si l’éducation est faite et bien faite : un malheureux QCM - questionnaire à choix multiples - qui n’est pas argumenté par un pro de l’éducation routière n’y suffit pas.
Un permis de qualité, fluidifié et moins cher : s’il est question de fluidifier en bradant la formation, c’est moins cher mais pas de qualité !
Créer un parcours d’e-formation à la mobilité tout au long de la vie : une idée largement soutenue par la FFMC, qui a contribué à la rédaction de cette recommandation du CNSR. Le continuum éducatif pourrait (enfin) devenir une réalité à travers ce parcours !
Élargir l’accès à la conduite des PL aux handicapés : spécifique, mais très bonne idée : de nos jours, plus besoin d’un gabarit de bucheron pour manœuvrer un poids lourd !

L’axe 2, "Mieux détecter, évaluer et suivre les inaptitudes à la conduite" est lui aussi issu des travaux du CNSR et de sa commission "Santé et Comportement pour une Mobilité responsable" (SCMR). Mieux détecter l’ensemble des comportements à risques a fait l’objet de recommandations liées à la conduite sous alcool, stupéfiants et en téléphonant. De même l’amélioration du contrôle médical d’aptitude à la conduite est issue des travaux de cette commission : il s’agit par exemple de mieux former les professionnels de santé à suivre les pathologies à risque. C’est beaucoup mieux que de copier d’autres pays européens qui ont choisi d’imposer une visite médicale liée à l’âge. Celle ci n’a en effet aucun effet concret : le risque vient des symptômes liés à certaines pathologies, et n’est pas lié à l’âge.

L’axe 3, "Protéger les usagers vulnérables de la route et accompagner les victimes", est un mélange de travaux du CNSR et de décisions "unilatérales" du gouvernement. Issus des travaux de la commission SCMR du CNSR, l’accompagnement des victimes, la prise en charge des blessés vont dans le bon sens. Le reste, à commencer par la spectaculaire "qualification d’homicide routier" - d’ailleurs sans effet juridique tant que l’homicide restera involontaire - , est issu de la conviction de nos gouvernants, et relève davantage d’intimes convictions ou de volonté farouche de favoriser les "mobilités douces" - qui pour mémoire ne le sont que si leur conducteur est doux lui-même...

L’axe 4, "S’engager pour la sécurité de toutes et tous sur les routes", très orienté partage de l’espace public, est davantage issu de travaux d’experts que des commissions. Il en ressort certaines orientations "de bon sens" comme les dispositifs d’alerte sonore, la réserve opérationnelle de sécurité routière, le partage de connaissances avec les élus, le renfort du soutien aux associations et le risque professionnel, mais aussi des étrangetés déroutantes comme les "Chaussées à voie centrale banalise" ou Chaussidou.

L’axe 5, "Lutter contre les comportements les plus dangereux", est celui qui nécessiterait les plus grands efforts et investissements en termes d’éducation, civique d’abord et routière ensuite, mais force est de constater que la part belle est malheureusement faite aux sanctions... L’occasion de rappeler que la sanction intervient après le problème, et donc ne fait rien pour l’empêcher, ce qui relève d’abord de la prévention et donc de l’éducation au sens le plus large.

L’axe 6, "Simplifier la vie des usagers de la route", est majoritairement administratif.
Cette suppression de la vignette d’assurance est conditionnée par deux facteurs :
- le contrôle sanction automatique par LAPI (Lecture Automatique des Plaques d’Immatriculation) aussi inflexible que systématique.
- la mise en ligne pour les forces de l’ordre du fichier des véhicules assurés - FVA - et son croisement de données avec le SIV, fichier centralisé des immatriculations.

L’axe 7, "Agir pour une meilleure sécurité dans les outre-mer", comme son nom l’indique, est spécifique à certains départements d’outre-mer, où la prise de risques conduit à "oublier" le casque ou la ceinture, d’où une surmortalité inquiétante. Là aussi, la priorité devrait être donnée à l’éducation au sens le plus large !

Ce paquet de mesures porte quand même une satisfaction : de mémoire de FFMC, c’est bien la première fois qu’un CISR ne fait figurer les mesures répressives qu’en cinquième position ! Un changement sans doute du à l’influence du CNSR, de son Président Yves Goasdoué, mais aussi à la FFMC, qui n’a de cesse de dénoncer la sécurité rentière et promouvoir en priorité éducation et infrastructures. Sans oublier le changement de slogan de la Sécurité Routière officielle, qui est passé de "tous responsables" à "vivre, ensemble". On n’y est pas encore tout à fait, mais les progrès sont manifestes, et nous prouvent que nous allons -et faisons aller - dans la bonne direction !

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