Radars de bruit : le vrai, le faux... et le reste !

Le récent lancement des nouveaux radars de bruit a fait couler beaucoup d’encre. Leur expérimentation était prévue de longue date, mais annoncer tout de go la verbalisation avant même les conclusions de leur expérimentation est pour le moins précipité : explications.

Un radar Méduse
Bien aidée par les plaintes de nombreux riverains, la lutte contre la pollution sonore est devenue une des priorités du gouvernement et des autorités locales. Ainsi, la Vallée de Chevreuse de l’ouest de l’Ile de France, bien connue des motards franciliens pour ses fameux "17 tournants", a été du fait du passage quasi continu de motards dans les villages avoisinants, l’un des moteurs des radars "Méduse". Bruitparif, organisme qui mesure le bruit ambiant, avait donc inventé un système qui permet de le mesurer (Cf étude en pièce annexe de cet article). La suite était facile à imaginer, bien plus qu’identifier les causes de bruit excessif, l’idée de sanctionner a très rapidement fait partie du paysage. Pour autant, il faut savoir qu’à part cette expérimentation prévue par la LOM (loi d’orientation des mobilités) de 2019, aucune décision officielle n’a été promulguée concernant la possibilité, technique comme juridique, de verbaliser par leur intermédiaire.

Le vivre ensemble est un choix

Campagne FFMC des ’80

Pour autant, il faut bien rappeler quelques notions essentielles dans le vivre-ensemble. Autant la sonorité d’une moto peut être agréable à l’oreille de son propriétaire, autant si son niveau sonore est excessif, il est normal que la société veuille faire cesser ces nuisances. Ce phénomène est devenu d’autant plus sensible que la récente période de confinement a rappelé à toutes et tous ce que signifiait une vie sans l’omniprésence du bruit de la circulation ! Pour mémoire, la FFMC défend des valeurs de vivre-ensemble quand elle défend la pratique de la moto dans le respect mutuel. Ce qui implique de faire de la moto dans des conditions de plaisir personnel, et aussi à condition que notre liberté de pratiquer ne contredise pas la liberté des autres. Cette façon de voir est partagée par tous les acteurs du monde de la moto en France : FFM, CSIAM, CNPA, Codever... Or le bruit excessif produit par des pots trafiqués ou réservés au circuit est en contradiction avec ces principes. Disons-le tout net, les usagers qui s’affranchissent de ces règles de vivre-ensemble scient la branche sur laquelle toute la communauté motarde est assise.

Campagne anti-bruit de la FFMC de 2003

Quelques notions de base

Avant d’aller plus loin, soulignons que plusieurs facteurs ont mené à cette situation au-delà de la fin de la période de calme sonore lors du confinement.
- La conviction de certains qu’un niveau sonore élevé améliorerait leur sécurité, pourtant complètement fausse, est bien implantée dans la communauté motarde. Pourtant, se croire mieux protégé par le bruit provoque souvent un comportement sur la route excessif , en prenant le risque de s’affranchir de la nécessaire anticipation.
- L’envie de se montrer "rebelle" peut également conduire à émettre un niveau de bruit supérieur à la norme.
- Ces deux phénomènes ont été largement soutenus, voire alimentés, par certains équipementiers et commerçants spécialisés, trop contents de vendre un accessoire supplémentaire aux deux catégories sus-visées. Fort heureusement, les mentalités évoluent là aussi chez les professionnels, mais le mal est fait et sera long à corriger.
- L’éducation, et là nous ne parlons pas de la formation à la conduite mais de l’éducation civique, celle qui conduit à adopter et vivre nos valeurs de respect mutuel, est insuffisante tant dans le milieu familial, scolaire que public. Là aussi, les mentalités évoluent, avec par exemple le changement de slogan de la Sécurité Routière, qui promeut désormais le "Vivre, ensemble" en lieu et place du précédent "tous responsables".

L’expérimentation proprement dite

La FFMC regrette qu’on mette la charrue avant les bœufs en argumentant d’abord sur une future verbalisation avant même d’avoir les conclusions de l’expérimentation, prévue pour deux ans ! Et ce d’autant que si la période d’expérimentation n’a aucune influence sur les usagers les plus bruyants, elle ne servira en rien les intérêts des riverains concernés ! Un contrôle fait par des humains, lui, a une vocation pédagogique potentielle...

La FFMC regrette que les moyens existants soient ignorés au profit de l’éventualité d’une sanction. Passons pudiquement sur l’éducation-formation-information, oubliée encore une fois sur l’autel de la répression-sanction... En effet, le tapage, qu’il soit diurne ou nocturne, est verbalisable sans avoir besoin d’un quelconque radar de bruit. Si vous êtes réveillé par la chaine stéréo de votre voisin, il sera condamnable sans qu’aucun sonomètre ne soit nécessaire !

La FFMC s’interroge sur les conditions qui permettraient de verbaliser :
- quelle limite de niveau sonore constituerait le seuil à ne pas dépasser, donc déclencherait une verbalisation quand dépassé ? Selon leur réception (homologation en langage courant), les 2RM ont connu plusieurs législations différentes sur le niveau de bruit exigé, non seulement selon leur date de réception, mais aussi selon leur catégorie. Or ces niveaux sonores sont définis en conditions "de laboratoire", soit sans aucun bruit ambiant, et selon des critères extrêmement précis, quasi obligatoirement différents des conditions d’utilisation réelle !
- quand plusieurs véhicules passent en même temps, les niveaux sonores sont impossibles à isoler, sauf par la vérification photo, dont on connait les faiblesses avec le contrôle-sanction-automatisé des radars de vitesse, sans parler de l’éventuel avion qui vous survole ou tout autre bruit ambiant...

Bien entendu, la FFMC soutient toutes les mesures intelligentes qui permettront au plus grand nombre de limiter les nuisances, quelles qu’elles soient. Pour autant, ce principe de base ne peut pas justifier des contradictions telles que la criante différence entre l’intention de l’expérimentation de ces radars sonores et l’effet d’annonce des verbalisations, alors même que ladite expérimentation n’a pas rendu son verdict.

La FFMC appelle donc d’une part, la communauté motarde à veiller à respecter l’autre afin que tous nous puissions continuer à pratiquer dans des conditions normales.
La FFMC appelle en parallèle les autorités à faire preuve de discernement dans l’application des textes votés. Quand les textes votés parlent d’expérimenter avant de tirer des conclusions, il serait normal d’attendre les conclusions en question !

Voir en ligne : Le décret publié le 3 janvier

P.-S.

L’article de la FEMA sur ce sujet https://www.femamotorcycling.eu/french-noise-cameras/