Conseil national de la sécurité routière : Petite vitesse et grand doucement

Voilà six mois que Manuel Valls, ministre de l’Intérieur (et donc de la sécurité routière) a réinstallé le Conseil national de la sécurité routière (CNSR), placé sous la présidence du député socialiste du Bas-Rhin, Armand Jung. Objectif : montrer que la sécurité routière est un axe fort de la politique gouvernementale, en continuité des déclarations des présidents Chirac et Sarkozy. En tant que principale association de défense du deux-roues motorisé (2RM), la FFMC a été invitée à siéger au CNSR… Rien d’étonnant à cela puisque depuis la concertation sur les 2RM qui s’est étendue de 2009 à 2011, la FFMC s’est imposée comme un interlocuteur incontournable, forte de son expertise et de son action depuis trois décennies.

Prévu pour durer trois ans, le CNSR 2013 s’articule sur quatre commissions :

  • les deux roues (2R, motorisés et vélos)
  • Alcool-stupéfiants-vitesse (ASV)
  • Outils technologiques et infrastructures (OTI)
  • Jeunesse et éducation routière (JER)

Le tout est supervisé par un « collège des experts » composé de chercheurs, de professeurs et d’épidémiologistes connus pour leurs études en lien avec la sécurité routière.

Donc, depuis six mois et à raison d’une réunion par semaine d’une commission à l’autre, le CNSR réfléchit selon une « feuille de route » dont l’objectif affiché par M. Valls est de réduire la mortalité routière de moitié sur nos routes d’ici 2020… sur « nos routes », mais il s’agit en fait d’un objectif décrété dans toute l’Union européenne. Et c’est aussi un objectif politique, au même titre que les questions de croissance économique, d’emploi, de logement, d’environnement… Pour un responsable politique, le gros avantage de la sécurité routière, c’est que la courbe des tués ne cesse de baisser depuis quarante ans, ce qui facilite l’explication du pourquoi du comment dans l’opinion publique, cette explication fut-elle simpliste et construite sur des évidences que Monsieur de La Palisse ne renierait pas.

Bon gré mal gré, force est de constater que les enjeux de sécurité routière sont toujours plus et mieux partagés dans la population qu’autrefois, sauf chez quelques imbéciles qui se comportent aussi mal sur la route que dans la vie en général. A cela s’ajoutent les progrès technologiques des véhicules carrossés qui protègent toujours mieux leurs occupants, l’amélioration des routes et la baisse généralisée des vitesses moyennes. Amplifiés depuis peu par les effets de la crise économique qui pousse les gens à limiter leurs déplacements, ces progrès techniques sont toutefois ralentis par la stagnation (voire le recul) des progrès sociaux tels que la question des libertés individuelles (mais il faut bien admettre que la route est un espace collectif, les motards le savent bien) et la surenchère réglementaire qui conduit quelques infractionnistes récurrents hors du champ légal et finalement social, où ils échappent alors à tout contrôle jusqu’à l’accident grave. Et aussi à force de multiplier les menaces de « punition » dans le but affiché d’améliorer la sécurité routière, la majorité des conducteurs finit par nourrir une certaine méfiance quant aux moyens pour y parvenir, ce qui peut conduire à l’inverse de l’effet recherché au départ.

Bref, après six mois de discussions, où en sommes-nous ?

La commission "Deux-roues" a discuté de

  • la taille des plaques d’immatriculation des motos
  • la circulation des 2RM entre les files dans les embouteillages
  • la visibilité du motard (fluo ou pas fluo ?)
  • des vélos, ce qui a permis d’aborder la notion des « usagers vulnérables », conjointement à nos problématiques communes avec les cyclistes
  • des équipements de protection individuels, en butte à des questions de normalisation desdits équipements

Le « problème des plaques » (problème pour les pouvoirs publics), c’est la forte proportion de rebut aux photos des radars automatiques…trop de plaques ne sont pas lisibles et la prune part au panier. Les promoteurs du système demandent donc que les plaques des motos soient plus grandes… Finalement, il est proposé d’harmoniser les 4 tailles de plaques (actuellement une taille pour les cyclomoteurs, deux pour les motos, une pour les MP3 et consorts) à une seule, au format 210 X 130 mm, ce qui est l’un des formats actuels en vigueur le plus répandu pour les motos.

Sur la question de la « visibilité » que les pouvoirs publics cherchent à solutionner de manière simpliste par le port d’un gilet fluo (ou un brassard il n’y a pas si longtemps), il est proposé que les motards aient « à bord » un gilet fluo de type « haute visibilité » en cas de panne… comme pour les automobilistes. Cette recommandation est en fait tout ce qui reste de l’obligation de port en toutes circonstances (assorti d’un retrait de deux points en cas d’infraction) prévu à l’issue du calamiteux Conseil Interministériel de sécurité routière de mai 2011. On se souvient de ce que la FFMC avait fait de ce gilet devenu symbole de l’arbitraire absurde et inadapté aux enjeux réels : brûlé en place publique dans nos manifs du printemps 2011 ou hissé comme un pitoyable oripeau sur les statues des monuments de France. Toujours aussi calamiteuse avait suivi l’idée de substituer ce gilet par un brassard rétro-réfléchissant de 150 cm2 qui devait devenir obligatoire par décret en janvier 2013, toujours assorti d’un retrait de deux points… La FFMC a tellement bataillé pour dézingué cette ineptie que Manuel Valls a sagement décidé d’abroger ce décret avant de nous inviter à participer à son CNSR… Ouf !

Au final, il ne reste que cette recommandation de pouvoir disposer d’un gilet en cas d’incident, officiellement dans un objectif «  d’équité devant la loi avec les usagers de la route  » y étant déjà contraints. La FFMC reste opposée à l’obligation, et par conséquent à la sanction, de cet accessoire qui peut toutefois s’avérer utile en cas de pépin, ne serait-ce que pour se signaler comme étant « en détresse » au bord de la route.
La question de l’interfile des 2RM dans les embouteillages est maintenant renvoyée aux experts qui envisagent de l’étudier au terme d’une « expérimentation »… ça fait juste vingt ans que nous la pratiquons, mais nous, nous roulons à moto… pas eux ! Toutefois (et tant mieux), ces mêmes experts s’en remettent aux recommandations du groupe d’étude mené en 2012 par le préfet Guyot, donc si rien n’est encore acquis, rien n’est perdu.

La commission "Outils Technologiques et Infrastructures" a traité trois sujets :

  • le téléphone au volant
  • le LAVIA (Limiteur s’Adaptant à la Vitesse Autorisée)
  • les EDR (« boîtes noires, Event Data Recorder ou Enregistreur de Données Routières)

Ces trois sujets ont laissé une part à un élargissement des réflexions quant aux distracteurs (GPS notamment), aux aides à la conduite et aux avertisseurs de radars, hypocritement rebaptisés « avertisseurs de zones de vigilance accrue -ZVA ou zones de danger).

Bref, ces thématiques sont « à tiroirs » (sous-dossiers imbriqués les uns dans les autres), générant chacune des groupes d’études et relevant de problématiques à la fois locales, nationales et européennes.
Dénoncé comme un facteur de risque (notamment pour les usagers en 2RM confrontés à l’inattention des automobilistes qui téléphonent), l’usage du portable est plus que jamais dans le collimateur… mais comment empêcher l’invasion de la communication mobile qui s’est imposée dans les activités de tous ? Tenir un téléphone en main ou « textoter » frénétiquement est déjà interdit par la Loi (amende 4eme classe ; 135 € et 3 points retirés)… Et le kit « main-libres » ? Faut-il l’interdire ? Si oui, comment faire, comment le contrôler ? Qu’est-ce qu’un kit-mains libres ? Une oreillette (kit « piéton), une téléphonie « embarquée » (option intégrée à l’auto) à commande vocale ?

Bref, la commission recommande de renforcer la lutte contre le téléphone « tenu en main » (ça ne mange pas de pain, yaka faukon et les forces de l’ordre se débrouilleront…). Une idée pour cela consiste aussi à interdire les vitres teintées « noires » aux glaces latérales avant des autos qui masquent le conducteur… mais la règlementation pour le moment inexistante sur ce point reste à élaborer.
Pour le LAVIA et les « boîtes noires », il n’y a encore rien de décidé, ça dépend surtout de la réglementation européenne en cours d’harmonisation entre les pays de l’Union dans les années à venir. Dans toutes les études déjà réalisées, les 2RM n’ont pas été pris en compte.

La commission "Jeunesse Éducation Routière" a beaucoup discuté de :

  • l’apprentissage anticipé de la conduite et ses vertus (la conduite accompagnée, à partir de 16 ans)... voilà un truc qui fonctionne et qui ne coûte pas grand-chose à mettre en œuvre, autant continuer dans ce sens.
  • les contenus de formation initiale en auto-école
  • la prévention en direction des jeunes

La commission "Alcool Stupéfiants Vitesse" a planché sur :

  • l’idée d’abaisser le taux d’alcool légal chez les jeunes permis/jeunes conducteurs… pour finalement conclure de laisser la réglementation en l’état pour le moment et de transmettre cette recommandation à l’avis des experts.
  • abaisser les vitesses maximum sur l’ensemble des réseaux… déjà annoncé il y a deux mois, suite à une sorte de « fuite » ou à des déclarations « anticipées », cette idée fait son chemin, tout en restant délicate à aborder pour un gouvernement déjà soucieux de ne point fâcher davantage les gens, dans un contexte assez difficile pour l’équipe politique au pouvoir.

Faute d’avoir mené à bien ses travaux, la Commission n’a pas présenté de recommandation lors de la réunion plénière du 21 juin.

En ce qui nous concerne, à part pour la commission 2R, la prise en compte des spécificités des 2RM reste quasiment absente des préoccupations générales… sauf quand il s’agit d’imaginer des moyens pour en limiter l’usage, la moto étant toujours considérée comme un « problème » en sécurité routière… Mais la FFMC veille et sa présence au sein de ce Conseil en est d’autant plus utile et nécessaire.

Bref, après environ six mois de travail, rien de très significatif ne se dégage, sinon que la sécurité routière reste bien une grande cause nationale à laquelle le gouvernement se montre attentif… et ça tombe bien, « les chiffres » sont bons.

Allez, bonnes vacances et prudence sur la route !

Retrouvez cet article sur le blog de la FFMC sur le site de Moto Magazine à l’adresse suivante : http://blogs.motomag.com/concertation2RM/.