Remontée de files : défendez-vous !

Grâce à leur faible encombrement, la moto et le scooter permettent d’échapper aux embouteillages parisiens en se faufilant entre les files de voitures. Cette facilité de déplacement a d’ailleurs conduit nombre d’automobilistes à troquer leur voiture contre un deux roues motorisés.
Si cette pratique est encore tolérée dans les grandes villes de province, elle est de plus en plus réprimée à Paris, malgré la signature en février 2007 de la charte du deux roues motorisés avec la Mairie de Paris.
Deux types de répression coexistent : verbalisation après interception et verbalisation dite « au vol ».
Dans les deux cas, les abus sont manifestes et doivent être combattus.

Avec interception


La pratique est courante sur les autoroutes parisiennes qui ceinturent Paris.
D’après les témoignages, les policiers neutralisent la voie de droite et interceptent les motards isolés ou par petits groupes de 5 à 10 motos.
Parfois, ils s’immiscent dans l’interfile et convoient les motards jusqu’à une aire de repos afin de procéder à la verbalisation.
Ce type d’opération de répression ciblée intervient régulièrement depuis le printemps 2005, et ne cesse de se renforcer.
Le code de la route ne sanctionnant pas la remontée de files en tant que telle, les forces de l’ordre utilisent différentes qualifications pour la verbaliser.
Le plus courant reste le dépassement par la droite (article R414-6 du code de la route : 135€ + 3 points).
On relève également :

  • non respect des distances de sécurité (art R412-12 : 135€ + 3 points) ;
  • dépassement sans se porter suffisamment à gauche du véhicule dépassé (art R414-4 : 135€ + 3 points) ;
  • changement de files sans motif (R412-24 : 35€)
    S’ajoute souvent une contravention pour « vitesse excessive eu égard aux circonstances » (art 413-17 : 135€).
    Le problème est que les agents verbalisateurs n’hésitent pas à cumuler les PV. Il n’est donc pas rare qu’un motard reparte avec 3 PV dont deux entraînent respectivement le retrait de 3 points, soit 6 au total. Le montant des amendes cumulées n’est pas non négligeable et avoisine rapidement les 300 €.
    Ce type de verbalisation abusive est critiquable tant d’un point de vue « éthique » que « juridique ».
    Sur le plan moral, il est injuste de profiter d’un vide juridique pour « charger » les motards. Au passage, on relève que la plupart des contraventions retenues ne reposent sur aucun élément objectif mais sur la seule appréciation de l’agent verbalisateur (distances de sécurité, dépassement sans se porter suffisamment à gauche, vitesse excessive eu égard aux circonstances).
    Sur le plan juridique, cette pratique bafoue un principe élémentaire de droit pénal selon lequel on ne peut pas réprimer un même comportement au travers de plusieurs qualifications.
    Les motards ont donc là un argument pour se défendre. Malgré tout, ils resteront responsables d’au moins une infraction.

Sans interception


Ce mode de verbalisation sournois est récent. Il est surtout pratiqué sur le périphérique parisien où il est difficile d’intercepter les contrevenants.
En pratique, les policiers circulent dans une voiture banalisée et relèvent les plaques d’immatriculation des motards qui remontent les files.
Quelques jours plus tard, le motard est convoqué au poste de police et se voit remettre là encore un, deux ou trois PV.
Bien sûr, la règle du non cumul présentée plus haut s’applique ici aussi. Mais un autre argument est invocable.
Selon l’article L121-1 du code de la route, « le conducteur d’un véhicule est responsable pénalement des infractions commises par lui dans la conduite dudit véhicule ».
Si une présomption de responsabilité à l’égard du titulaire de la carte grise a été introduite à l’article L121-3 du même code, elle ne concerne que certaines infractions :

  • contraventions à la réglementation sur les vitesses maximales autorisées,
  • contraventions sur le respect des distances de sécurité entre les véhicules,
  • contraventions sur l’usage de voies et chaussées réservées à certaines catégories de véhicules,
  • et les contraventions sur les signalisations imposant l’arrêt des véhicules.

    Ainsi, pour un dépassement par la droite, les forces de l’ordre ne peuvent poursuivre que le conducteur du véhicule. Or, à défaut d’interception, il est impossible de prouver que le titulaire de la carte grise était bien le conducteur du véhicule le jour où l’infraction a été relevée.
    Dans l’hypothèse où le motard est convoqué au poste de police, il doit indiquer qu’il n’était pas le conducteur de la moto.
    Dans les faits, les choses ne sont bien sûr pas aussi simples. Tous les témoignages que nous avons recueillis attestent que la pression exercée par les forces de l’ordre est telle qu’il est difficile de faire face. Les menaces de poursuites font que le motard finit par reconnaître l’infraction et paye les amendes y afférent.

    A l’incohérence de sanctionner une pratique inhérente à la conduite d’un deux et salvatrice pour l’ensemble des usagers, s’ajoute l’injustice des procédures qui bafouent les droits de la défense et les règles du droit pénal.