Lettre ouverte à Dominique, Jean-Luc et quelques autres

Il y a quelques jours, le Secrétariat National de la FFMC recevait un courriel d’un certain Dominique B. se plaignant des nuisances provoquées dans son village par des motards peu respectueux de la tranquillité et de la sécurité des riverains.

Certes, de tels messages, nous en recevons régulièrement quelques-uns auxquels nous ne répondons que rarement. En effet, ils reflètent souvent, derrière des constats parfois justifiés, hélas, une approche excessivement réductrice des problèmes liés à ce genre d’abus et reposent sur un argumentaire motophobe plus que primaire.

Alors pourquoi le courriel de Dominique B. a-t-il retenu notre attention ?

D’abord, à quelques jours près, il coïncide avec l’article d’un certain Jean-Luc Martin, paru dans la rubrique Opinion du journal Le Monde. Notre homme, sous couvert de sa qualité d’ancien journaliste spécialisé de la presse automobile, livre un réquisitoire hallucinant contre les motards et, surtout, les scoutards :

De quoi être déjà passablement scandalisé et alerté. Mais c’est aussi que Dominique B. tient des propos pour le moins inquiétants. Qu’on en juge plutôt :

A part faire justice nous mêmes (nous sommes décidés à faire usage de procédés plutôt dissuasifs même s’il y a des conséquences néfastes pour les motards irrespectueux ) sachez que sur toutes les routes de côte d’or et du jura il y a une association qui va agir et ne plus se laisser bouffer par des motards et répondre aux agressions par des actions efficaces et définitives pour faire cesser ces abus perpétuels.

A bon entendeur salut

...

Les statisques prouvent que votre passion tue plus de personnes que la voiture je vous assure que ce n’est pas fini.

Extraits livrés tels que reçus

Nous n’avons beau être que des motards, donc des individus primaires si l’on en croit J-L Martin, nous nous souvenons avoir appris à lire et, chose inconcevable pour certains, semble-t-il, nous arrivons à comprendre ce que nous lisons. Et ce que nous comprenons ici, dans ces propos mis bout à bout provenant d’un même courrier, c’est que la mort de motards pourrait bien être la conséquence, même non voulue mais envisagée comme méritée, de mesures de rétorsion décidées par une association, évidemment non désignée. Autrement dit, ce sont là des menaces de mort.

Dès lors, nous ne pouvions pas rester indifférents. Non pas seulement car les cibles désignées sont des motards, « irrespectueux » ou non, mais aussi et même surtout car, en tant que citoyens, il ne nous est pas possible d’admettre que de telles menaces soient proférées à l’encontre de qui que soit. Il n’appartient à personne, quelles que soient ses raisons, de faire justice lui-même.

C’est ce que nous avons décidé de répondre à Dominique B. (que dans un premier temps nous pensions être une femme compte tenu de son adresse de courriel commençant par « anne-dom ») :

Bonjour Madame,

La lecture de vos messages ne nous a pas laissés indifférents. Nous comprenons votre exaspération face aux nuisances que vous relatez. Mais les "solutions" auxquelles vous semblez penser ne sont pas acceptables. Ce sont des menaces de mort dont vous n’ignorez sans doute pas qu’elles peuvent vous amener devant les tribunaux. Sans compter que nous ne pouvons pas croire un seul instant que de tranquilles citoyens, même en colère, se laisseraient aller à de telles extrémités. Jamais, même au plus fort de leurs colères, les motards de la FFMC n’ont eu recours à la violence. Vos écrits ne peuvent que dépasser votre pensée.

Comme vous le soulignez, défendre les motards, c’est aussi défendre les citoyens. Ajoutons : C’est lutter contre tous les comportements irrespectueux des autres, contre l’égoïsme et contre l’intolérance. Sous toutes leurs formes.
Ne cédez pas à la haine, qui ne peut provoquer que la haine en retour. Ne vous laissez pas entrainer sur cette pente où vous auriez tant à perdre. Réfléchissez-y.

D’autres solutions existent. Aidez-nous à promouvoir les valeurs de respect mutuel et de partage de la route que nous défendons depuis près de trente ans. Rencontrons-nous, vous et vos amis, les gens de votre ville ou de votre village, votre maire, et nous, militants de la FFMC, motards. Et ensemble mettons sur pied des actions de sensibilisation auxquelles il serait possible de donner un retentissement régional, voire national. Réunissons-nous, gens de bonne volonté, et dépassons les animosités pour trouver des solutions pacifiques et citoyennes.

Nous aussi, nous avons à souffrir de l’image qu’une poignée d’irresponsables donnent de nous. Nous aussi nous aspirons au respect et à la tranquillité. Nous aimons la moto parce qu’elle est un moyen d’aller à la rencontre des autres, pas de leur nuire.

Travaillons ensemble à résoudre ce problème. Nos militants sont disponibles pour cela.
Merci de prendre en compte notre proposition.

Nous attendons votre réponse.

Sincères Salutations

Peine perdue. Monsieur B. persiste et signe. Il oppose une fin de non recevoir à notre proposition d’action commune et pacifique, nous renvoie à l’image des Hell’s Angels qui sont, selon lui, le symbole emblématique du monde motard (quel fin connaisseur, ce Dominique) et nous menace même d’un procès en diffamation pour avoir souligné la violence de ses propos inquiétants. Rien moins. Nous sommes prêts à tenir le pari et à nous saisir de cette très opportune tribune. Chiche, Dominique B.!

Il va sans dire que, face à un tel degré d’obstination et d’étroitesse d’esprit, il n’est pas possible de développer le moindre argument. Il ne sera, de toute façon, pas entendu. Par conséquent, la FFMC envisage très sérieusement de communiquer les courriers de Monsieur B. à la justice pour prévenir toute action aux conséquences funestes. Souvenons-nous de Frédéric Federici, ce motard enduriste tué par un fil de fer tendu en travers d’un chemin par un viticulteur irascible de l’Hérault en 2006. Il n’est malheureusement pas le seul a avoir payé de sa vie l’interprétation radicale que des fous ont fait de la circulaire Olin. Si nous ne pouvions imaginer, à l’époque, que de tels drames soient possibles dans notre pays, cette fois nous n’accepterons pas que cela se reproduise. A bon entendeur...

Nous n’irons pas par quatre chemins. Nous n’avons pas l’intention de nous excuser à l’infini pour les comportements imbéciles et irresponsables d’une poignée de motards ou de scoutards qui réduisent le monde à l’étroitesse de leur visière et servent de prétexte à des J-L Martin, des Dominique B., voire même à des hauts responsables de la DSCR, à des ministres, des élus ou des fonctionnaires pour porter un jugement global et définitif sur l’ensemble des utilisateurs de 2-roues motorisés (2RM).

La politique du bouc-émissaire pour justifier l’inanité de l’approche de la route en France, ça suffit !

Le monde des 2RM n’est pas celui que ces gens veulent bien décrire, retranchés derrière leurs certitudes au moins aussi étroites que les visières de ceux qu’ils prennent en exemple et derrière leur mauvaise foi. S’il faut changer des comportements, ce ne sont pas seulement ceux de ces motards « irrespectueux » mais aussi ceux de décideurs à court d’imagination.

La FFMC et son Mouvement œuvrent depuis près de trente ans en ce sens. Oui, la FFMC défend les motards, les scoutards, tous les utilisateurs de 2RM. Oui, elle le fait sans concession, avec pugnacité mais aussi avec lucidité et ouverture d’esprit, sans corporatisme. Nous en sommes fiers comme nous sommes fiers de nos réalisations concrètes dans les domaines de l’assurance [1], de la formation [2], des loisirs [3], de l’information [4] et de l’éducation [5]. Partout dans ce pays, il existe des militants-motards-citoyens qui sont prêts à travailler avec tous ceux pour qui améliorer les choses signifie discuter, vouloir comprendre, rapprocher, former, éduquer, prévenir et partager.

Nous n’accepterons pas que les arguments simplistes et affligeants des J-L Martin, Dominique B. et consorts soient les seules bases d’une politique de sécurité routière motophobe qui n’a de politique que le nom parce que reposant exclusivement sur la répression et le rejet de l’autre. Nous n’accepterons pas que cette image péjorative complaisamment apposée sur l’ensemble des utilisateurs de 2RM contre toute raison serve de prétexte à l’inconcevable. Qu’il soit bien entendu ici que nous nous dresserons de toutes nos forces contre toute dérive violente et que nous mettrons chacun face à ses responsabilités, quel qu’il soit.

Les motards français, quels que soient leurs types de véhicules, leur âge et leurs origines sociales, sont avant tout des citoyens de ce pays, pas des parias. Que personne ne s’avise de l’oublier. Pour les défendre, la FFMC utilisera tous les moyens légaux et recherchera des solutions pacifiques, privilégiant le respect mutuel, c’est à dire citoyennes. Mais nous ne laisserons pas faire. Jamais.

Marc Leblanc


A lire aussi d’urgence :

Notes

[1Mutuelle des Motards

[2Association de Formation des Motards

[3FFMC-Loisirs

[4Éditions de la FFMC (Moto Magazine)

[5Éducation Routière de la Jeunesse et 2-Roues Motorisé (ERJ2RM)