Anathèmes aujourd’hui, bûchers demain

Dans son article intitulé « Incivilités aujourd’hui, jungle demain », paru le 23 juin dans la rubrique Opinion du Monde.fr, Jean-Luc Martin, ancien rédacteur en chef d’ « Auto-Moto » et de « L’Automobile Magazine » tente d’apporter une réponse aux interrogations du Gouvernement face aux résultats décevants de la sécurité routière en mai 2008, comparés à ceux de mai 2007.

Ne cherchez pas du côté de la météo ou de l’engorgement des transports en commun et des grandes villes. Monsieur Martin nous propose son explication : Les conducteurs de 2-roues motorisés (2RM) qui montrent le mauvais exemple aux malheureux automobilistes englués dans les embouteillages et aux cyclistes obligés de partager la rue avec eux.
Bien entendu, la démonstration repose sur des bases scientifiques imparables car proférés par un journaliste, sans doute expert comme bien d’autres dans ce domaine, à partir des observations faites au volant de sa voiture. Donc, du rigoureux. Mais il semble bien qu’il en aille de la sécurité routière comme de la sécurité en général ou du chômage : A défaut de réfléchir à la question pour en déterminer les causes profondes, d’aucuns préfèrent chercher des boucs émissaires. Pour certains, ce seront les immigrés, clandestins ou pas. Pour J-L Martin, ce sont les motards. Une explication somme toute... simpliste.

Les conducteurs de 2RM ont donc une influence néfaste sur un très large public. J-L Martin rappelle que près de 50 % des Français vivent en ville. Ça fait du monde, en effet. Sauf que toutes les villes ne sont pas Paris, Lyon ou Marseille. Il en existe où la cohabitation, c’est à dire le partage de la route et de la rue, se passe plutôt bien. J’en connais même où l’on s’échange des petits signes de remerciement quand l’un facilite le passage de l’autre. Des noms ? Avignon, Nîmes, Montpellier ... Les incivilités que dénonce notre expert semblent être davantage liées au stress des usagers des grandes agglomérations plutôt qu’à la ville prise en général. Sans doute une question de qualité de vie occultée par J-L Martin.
Tout comme celle-ci : Pourquoi les conducteurs de 2RM ne sont-ils responsables que dans 31 % des accidents avec une automobile mais dans 47 % de ces accidents mortels ? J-L Martin semble ignorer que très souvent le mort, c’est le motard et qu’un mort peine à se défendre. Mais passons.
Ce qui ressort en définitive de cet article, c’est le mépris qu’éprouve J-L Martin, non seulement pour les motards, bien sûr, mais aussi pour les autres usagers présentés comme des moutons de Panurge. Sans doute apprécieront-ils le propos. Celui-ci prêterait certainement à sourire si l’on ne pouvait craindre que certains n’y trouvent matière à justifier leur agressivité envers les usagers les plus fragiles.

La Fédération Française des Motards en Colère milite depuis près de 30 ans pour promouvoir les 2 et 3 roues motorisés et pour changer comportements et mentalités. Chez les motards comme chez les autres usagers. J-L Martin semble suggérer à Madame le Ministre de l’Intérieur de faire la « chasse aux jeunes ». Le Mouvement FFMC, pour sa part, s’investit dans leur éducation et dans leur formation aux travers de ses structures (Assurance Mutuelle des Motards, Association de Formation des Motards, FFMC-Loisirs, Éditions de la FFMC).

Plutôt que de jeter certains usagers en pâture aux autres, nous préférons agir sur le terrain pour expliquer, pour former et pour éduquer, pour partager la route et la rue avec tous. Certes, il reste beaucoup à faire mais nos concitoyens savent aussi ne pas s’arrêter aux apparences et notre discours porte peu à peu ses fruits. Les gens sont bien plus intelligents que ne semble le croire J-L Martin. Mais la sécurité routière est-elle déconnectée des autres problématiques de notre société ? Risquons à notre tour une réponse : Non. Dans une société aussi violente où tant de gens souffrent, comment la route pourrait-elle être un havre de paix ? Les réponses sont évidemment bien plus complexes que les pauvres hypothèses de J-L Martin.